L' Univers Romanesque
ses livres
L’Univers Romanesque

Sur les vingt-cinq romans que Robert Margerit dit avoir écrits, treize seulement furent publiés de son vivant. Ils n’en présentent pas moins une grande diversité de ton et un subtil mélange des genres. Tel roman de piraterie peut être aussi un roman exotique et un roman de formation (L’Île des perroquets) ; tel roman historique une saga familiale et une sanglante affaire de mœurs (La Terre aux loups) ; tel autre roman résolument historique peut se doubler d’une belle histoire d’amour (La Révolution) ; ou encore tel ou tel roman de mœurs friser le roman érotique (Mont-DragonPar un été torride) ou bien participer assez largement du roman policier (Le Château des Bois-Noirs) ; d’autres enfin, tout en penchant très fort du côté du roman d’analyse être aussi une éducation sentimentale (Le Dieu nu) ou même un roman du roman (La Malaquaise).
Cette richesse d’invention romanesque s’explique par la variété des sources d’inspiration de l’écrivain. Sa vie personnelle d’abord, dont ses aventures amoureuses de jeune célibataire mais aussi sa double vocation de peintre et d’écrivain et son métier de journaliste. Il assure un temps au Populaire du Centre le rôle de chroniqueur judiciaire, d’où sa fascination pour les « cas » psychologiques et les grandes « affaires » criminelles qui lui fournissent les sujets de trois de ses romans : La Terre aux loups, Les Amants et Le Château des Bois-Noirs ; de sa connaissance même du monde de la presse, il sait d’ailleurs tirer matière à l’écriture de quelques nouvelles et de La Femme forte. Et puis il y a, bien sûr, ses grandes admirations littéraires, Balzac, Flaubert, Proust et Stendhal dont l’influence est très nette, et cette passion pour l’histoire, particulièrement celle de la période révolutionnaire, à laquelle on doit La Terre aux loups et surtout La Révolution.
Mais les plus grands sujets d’inspiration de Robert Margerit, ce sont indéniablement la femme et l’amour. Diversement déclinée, la problématique amoureuse est, en effet, au cœur de l’œuvre et en assure l’unité. Qu’il soit plutôt centré sur les joies de la rencontre et des premiers émerveillements, les hauts et les bas du couple constitué et la tentation de l’adultère, ou les dérives de la passion (perversité, voyeurisme, jalousie, inceste…), chacun de ses romans dit et redit qu’il n’y a rien de plus important que l’amour mais aussi et le plus souvent qu’il n’y a pas d’amour heureux.

Trois grands types de romans donc, selon que le baromètre de l’amour est plutôt orienté au bleu fixe, au gris variable avec éclaircies passagères, ou vire carrément au noir, auxquels correspondent trois types de personnages principaux masculins. Les héros « positifs » d’abord. Ils apparaissent surtout dans les romans historiques. Bien que valorisés par l’écrivain et lieux d’un fort investissement imaginaire : pirate, colonel, figures importantes de La Révolution, ils sont peu représentés. Leurs problèmes amoureux sont liés aux circonstances extérieures. Contemporains de l’auteur, les héros « banals » sont des individus ordinaires qui se recrutent dans la moyenne ou la grande bourgeoisie (étudiants, écrivains, peintres…). Les problèmes amoureux qu’ils rencontrent sont liés aux complications psychologiques de la relation amoureuse. Troisième catégorie : les héros « pathologiques ». Mal dans leur peau, avides et jamais comblés, ce sont surtout des névrosés sexuels dont les obsessions maladives conduisent inéluctablement au drame final : leur suicide, l’assassinat du rival ou celui de l’être aimé.
Sans jamais être le personnage principal – celui dont on raconte l’histoire – les femmes jouent un rôle fondamental dans les romans de Robert Margerit car c’est par elles que tout arrive. C’est parce qu’elles sont belles, attirantes, difficiles à conquérir et par conséquent affolantes que la machine romanesque se met en route. Sujet essentiel de préoccupation pour les hommes, elles font figure d’instruments privilégiés du destin pour le meilleur comme pour le pire. Aussi va-t-on trouver, selon le cas, la compagne parfaite, l’amante libérée volontiers lesbienne et la femme trop fatale. Femmes du passé ou de la première moitié du XXe siècle, les héroïnes de Robert Margerit sont la pièce maîtresse d’un univers romanesque qui ne semble trouver sa véritable raison d’être que dans l’exaltation très baudelairienne des troublants mystères de la féminité.

Mais si la passion amoureuse est au cœur de l’œuvre, on aura bien compris que les embarquements pour Cythère, auxquels l’écrivain nous convie, n’ont rien d’une aimable balade au paradis des amoureux comblés. C’est que, plutôt torturé par nature et n’attendant rien des consolations de la foi, Robert Margerit est en fait un épicurien panthéiste et désespéré. D’où cette propension à jouir du présent que l’on observe chez bon nombre de ses personnages, pressés de vivre sans entraves avec au cœur, comme unique certitude, celle de l’inéluctable fin. Et si l’amour, l’érotisme et la mort sont ses thèmes essentiels, c’est bien justement parce que, dans un monde sans Dieu, ne peut régner que le seul ordre de la Nature.


haut de page



suite

www.robert-margerit.com

Toutes illustrations d'après Robert Margerit