Margerit et le Limousin
Robert Margerit n’est certes pas le seul écrivain du XX
e siècle à avoir choisi le Limousin comme cadre de ses fictions romanesques. À commencer, bien sûr, par son grand ami Georges-Emmanuel Clancier. Mais on est frappé, cependant, par la place de choix qu’occupent dans l’œuvre de ce corrézien d’origine les paysages et villes de Haute-Vienne.
Rien de très surprenant néanmoins si l’on se rappelle qu’ayant quitté Brive, sa ville natale, à 17 ans, pour Limoges, Robert Margerit y réside quelques années avant de s’installer définitivement à Isle, dans la proche banlieue, et y finit ses jours en 1988. Il a donc tout le loisir de bien connaître ce bout de province et sa capitale régionale.
De là, sans doute, l’idée bien naturelle d’en faire le théâtre de ses premiers romans et nouvelles à forte coloration autobiographique. Sa passion pour l’histoire locale joue aussi un rôle décisif dans le choix de faire de Limoges, avec Paris, les espaces de déploiement majeurs de cette
Révolution qui est son chant du cygne littéraire. En dépit de quelques éclipses, on retrouve une présence forte du Limousin dans près de la moitié de son œuvre romanesque, qui a aussi pour cadre : Paris, le Périgord, l’Auvergne et le Bordelais. Un grand nombre de nouvelles et six de ses treize romans, principalement
Le Vin des vendangeurs, Mont-Dragon, La Terre aux loups et
La Révolution se déroulent à Limoges ou en Limousin.
Si l’image générale qui en est donnée est tout à fait conforme à la réalité urbaine et rurale que Robert Margerit pouvait observer à l’époque où il écrivait, ce n’est évidemment pas le Limousin des guides touristiques ou des géographes que l’on retrouve dans ses fictions. Ainsi, ouvriers, commerçants et petits paysans sont singulièrement absents.
En revanche, la nature limousine est éminemment présente et magistralement évoquée. Et il est de fait que Robert Margerit excelle dans l’art de planter les décors naturels de ses fictions. L’œil et le talent du peintre, toujours en embuscade derrière l’écrivain, y sont assurément pour beaucoup mais ses évocations de nature ne jouent pas qu’un rôle décoratif et esthétique. Elles participent de la dramaturgie même dans un univers romanesque fondamentalement ambigu, où il semble bien qu’il n’y ait pas de solution de continuité entre l’homme et son environnement naturel. Pour autant, Robert Margerit ne peut être considéré comme un écrivain « régionaliste ».